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Les Grands bateaux attendent

Photographies

 

2017-2020

Iron thoughts sail out at evening on iron ships.

(Malcolm Lowry).

 

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En plein milieu de l'estuaire marin du Saint-Laurent, au large de récifs appelés Razades, à trois ou quatre kilomètres de la rive, existe un endroit unique : un vaste stationnement réservé aux grands navires de la marine marchande en route vers l'intérieur du continent. Ils attendent ici de pouvoir franchir une ligne virtuelle reliant Trois-Pistoles aux Escoumins, au-delà de laquelle ils seront tenus d'embarquer un coûteux Pilote du Saint-Laurent. Battant pavillon nigérian ou grec ou maltais, ils peuvent rester figés ainsi des jours, des semaines parfois, accrochés à leurs ancres. Lorsqu’on leur donnera le signal qu'une place au quai de leur port de destination se libère pour le déchargement de leurs marchandises produites à l'autre bout du monde, ils se remettront en mouvement.

 

Ces masses d'acier colossales - porte-conteneurs, vraquiers, pétroliers... - sont en soi un parfait symbole du flux inébranlable et anonyme du commerce mondialisé. Mais ainsi stoppées dans leur course au beau milieu de l'estuaire du Saint-Laurent, elles deviennent une anomalie, une aberration au coeur du système économique: leur état stationnaire dans un décor naturel grandiose les détourne des objectifs de vitesse et de performance normalement visés par les logiques mercantiles. Les grands bateaux se changent alors en objets flottants dont la fonction dans le paysage n'est plus clairement définie : ils deviennent des motifs répétitifs et invitent à la contemplation le spectateur qui se tient sur les berges.

 

De chez moi, généralement installé dans mon salon derrière une fenêtre brouillée d'embruns, j'ai photographié des centaines de ces navires à travers l'oculaire d'une lunette d'approche. Les images circulaires ainsi obtenues sont dégradées en terme optique – par la distance, par les éléments, par le côté rudimentaire du dispositif de prise de vues; débarrassées de leur contour noir d’origine, elles prennent l’aspect d’astres et gagnent en poésie ce qu’elles perdent de leur pouvoir descriptif.

Consultez les articles du Devoir, du Soleil, de Vie des arts et voyez la capsule du Musée à ciel ouvert de Drummondville.

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